La sexualité des Séniors en E.H.P.A.D. : intimité et respect du droit à l'autonomie

Publié le 09/12/2024



La question de la sexualité des Séniors, en particulier en E.H.P.A.D., est un sujet dont on parle peu. Pourtant, l’intimité et la sexualité des personnes âgées sont essentielles à leur bien-être physique et psychologique. Au sein  des établissements spécialisés, cette thématique soulève de nombreuses interrogations . Comment garantir à nos aînés un respect total de leur autonomie et de leurs désirs, tout en veillant à leur dignité et à leur sécurité ? Loin des préjugés et des idées reçues, réexaminons cette question dans une perspective respectueuse, inclusive et humaniste.


Le vieillissement et ses inexorables effets physiques et psychologiques a n’efface pas les besoins affectifs, amoureux et sexuels des individus. L’évolution des perceptions sociales et culturelles autour de ce sujet doit permettre aux équipes médicales et soignantes de mieux appréhender la dimension intime de la vie des séniors.




Dans cet article, nous explorerons les différents défis et enjeux liés à la sexualité des séniors en E.H.P.A.D.. Nous examinerons comment ces établissements peuvent accompagner au mieux leurs résidents, en respectant leurs droits à l’autonomie tout en répondant aux besoins d’intimité et de bien-être. Ce faisant, nous aborderons aussi les questions éthiques, légales et sociales inhérentes à cette problématique, en cherchant à offrir des solutions pratiques et respectueuses.



1 - La sexualité des séniors : une réalité souvent ignorée

Un sujet dont on parle encore trop peu malgré l’importance de la question pour le bien-être des résidents.
  La sexualité des Séniors reste un sujet fréquemment ignoré ou évité dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées. Pourtant, comme tout individu, les résidents d'E.H.P.A.D., même très âgés, ont le droit de vivre une vie intime épanouie et de maintenir des relations affectives et sexuelles.
Cependant, les tabous sociaux et les stéréotypes liés à l’âge contribuent à minimiser l’importance de ce besoin légitime, rendant difficile son expression et son accompagnement au sein des établissements.

Ce silence autour de la sexualité des séniors empêche souvent les résidents d’aborder librement cette question avec les équipes soignantes, créant ainsi un manque de communication et une absence de prise en charge adaptée. Selon une étude réalisée par l’association Les Petits Frères des Pauvres en 2022 auprès de 1500 personnes âgées, 84% des personnes âgées déclarent qu’elles sont à l’aise avec le sujet de la sexualité, mais plus d’une sur deux considèrent que le sujet est tabou pour la société.

L’évolution de la perception de la sexualité à mesure que les individus vieillissent

Le vieillissement modifie les perceptions sociales et physiques de la sexualité, mais ne l’efface pas pour autant. Les changements corporels liés à l’âge, tels que la diminution de la libido, les troubles de l’érection ou encore la ménopause, peuvent affecter la sexualité des personnes âgées, mais ces défis peuvent être surmontés avec un accompagnement adapté. De plus, la sexualité des Séniors est aussi influencée par leur vécu personnel, leurs croyances et leurs valeurs. Il est donc essentiel de comprendre que le vieillissement ne signifie pas la disparition de la sexualité, mais plutôt un ajustement des besoins et des attentes. Les E.H.P.A.D doivent intégrer ces réalités dans leurs projets de soin, afin de respecter les désirs et la dignité des résidents.


Les défis rencontrés par les établissements

Malgré une reconnaissance croissante de l’importance de l’intimité pour le bien-être des Séniors, de nombreux E.H.PA.D. n’ont pas encore mis en place des protocoles spécifiques pour accompagner la sexualité de leurs résidents. Cela peut s'expliquer par le manque de formation des professionnels de santé, les préjugés sociaux concernant la sexualité des personnes âgées, ou encore l’absence de lignes directrices claires sur la question. Toutefois, certains établissements commencent à sensibiliser leurs équipes à la nécessité d’offrir un environnement respectueux des besoins intimes des résidents, avec une approche fondée sur l’écoute et le consentement.





Les défis auxquels les E.H.P.A.D. sont confrontés pour prendre en compte la sexualité de leurs résidents :

  • Le manque d'espace privé pour permettre une vie intime discrète ; les chambres d’EHPAD, bien souvent, ne peuvent être fermées à clé, les entrées sont filtrées
  • Les difficultés à gérer les relations affectives et sexuelles entre résidents ; ces relations sont-elles pleinement consenties avec la perte totale ou partielle de certaines facultés cognitives ? Les familles des intéressés sont-elles prêtes à voir leur parent accompagné d’un nouveau conjoint ?
  • Le besoin de formation des équipes sur les questions d'intimité et de sexualité
  • L’absence de protocoles clairs concernant le respect du consentement et la gestion des comportements sexuels
  • La prise en compte des besoins individuels, notamment sexuels, dans les projets de soins et, en particulier pour les résidents souffrant de troubles cognitifs


2 - Les défis et les enjeux liés à la sexualité des Séniors en E.H.P.A.D.



Le respect de la liberté et des droits des résidents


Le respect de la liberté est un principe fondamental dans la prise en charge des résidents en E.H.P.A.D.. Il est essentiel que les Séniors puissent exercer leurs droits en matière de vie intime, tout en étant accompagnés de manière respectueuse et adaptée, si leur situation l’impose. Cela implique que les résidents aient la liberté de choisir d'entretenir des relations affectives ou sexuelles, sans jugement ni contrainte. La question de l’autonomie est d’autant plus cruciale pour les Séniors souffrant de troubles cognitifs ou de démence, qui doivent néanmoins être informés et accompagnés dans leurs choix. Il est primordial de garantir un cadre sécurisé où leur consentement soit clairement compris et respecté.

Prendre en compte la fragilité sexuelle des Séniors âgés


La sexualité des personnes âgées est influencée par des facteurs divers : psychologiques, sociaux et physiologiques. Psychologiquement, le vieillissement peut engendrer une mauvaise image de soi et des doutes sur la capacité à séduire, entraînant une diminution du désir sexuel, particulièrement chez les femmes. Un article scientifique intitulé "Sexuality in older adults: Clinical and psychosocial dilemmas" (“La sexualité chez les personnes âgées : Dilemmes cliniques et psychosociaux”) publié en janvier 2016 dans le Journal of Geriatric Mental Health (“Journal de la santé mentale gériatrique”) pointe la difficulté à partager ses envies à son entourage car “les personnes âgées sont confrontées à une forte stigmatisation lorsqu'elles expriment des désirs ou des préoccupations d'ordre sexuel, tant de la part de leur propre famille que du système de soins de santé.”


De plus, socialement, des événements tels que le veuvage ou des facteurs comme le niveau éducatif et les ressources financières impactent également la vie sexuelle des Séniors (C’est ce que décrit une étude américaine de 2007 intitulée “A Study of Sexuality and Health among Older Adults in the United States”.
Physiologiquement des changements liés à l'âge, tels que la sécheresse vaginale chez la femme et les troubles érectiles chez l'homme, ainsi que des pathologies somatiques ou psychiatriques, peuvent affecter la fonction sexuelle. ertains médicaments ainsi couramment prescrits aux personnes âgées viennent, par leurs effets secondaires, diminuer les capacités et envies sexuelles des personnes.

La gestion des comportements et des attentes des résidents : les responsabilités des équipes médicales et soignantes


La gestion des comportements sexuels chez les résidents en E.H.P.A.D. peut parfois poser problème, en particulier lorsque les attentes des Séniors ne sont pas prises en compte. Les équipes médicales et soignantes ont la responsabilité d’établir des lignes directrices claires pour répondre aux besoins affectifs et sexuels des séniors. La gestion des relations entre résidents, la prévention des abus et leur accompagnement dans l'expression de leurs désirs doivent faire l’objet d’une attention particulière Pour résumer, voici les principaux enjeux liés à la sexualité des séniors en E.H.P.A.D. :


EnjeuxDescriptionSource
Le respect du consentementS’assurer que chaque résident puisse donner un consentement éclairé et respecté dans ses relations.https://www.unilim.fr/trahs/3686
L'autonomie et indépendanceGarantir aux résidents le droit de vivre leur vie intime comme ils l’entendent, tout en préservant leur dignité.https://universpharmacie.fr/blog/article/la-sexualite-chez-les-seniors-il-ny-pas-dage-limite.html
La formation des équipesFormer le personnel soignant à reconnaître les besoins affectifs et sexuels des résidents.https://espace-professionnels.pourbienvieillir.fr/la-vie-intime/
La gestion des relationsGérer les interactions intimes entre résidents de manière respectueuse et dans le respect des limites acceptables.https://shs.cairn.info/revue-champ-psychosomatique-2001-4-page-69?lang=fr




3 - Accompagner la vie intime des Séniors : comment les E.H.P.A.D. peuvent répondre à ce besoin ?





Mettre en place des dispositifs permettant de préserver l’intimité des résidents tout en respectant la dignité humaine


Les établissements peuvent créer des environnements favorisant l'intimité des résidents. Cela inclut l'aménagement de chambres individuelles, fermées, ou de zones privées où les résidents peuvent recevoir leurs partenaires  en toute confidentialité. Selon la Haute Autorité de Santé, il est essentiel de définir des modalités d'organisation institutionnelle et d'accompagnement personnalisé pour mieux prendre en compte les besoins et attentes des personnes en matière de vie affective et sexuelle.


La formation et la sensibilisation des personnels : créer un environnement favorable à l’épanouissement intime des séniors


Une formation sur la sexualité peut être une stratégie intéressante pour rassurer les résidents comme leurs familles. Une telle démarche garantit une prise en charge respectueuse et adaptée des besoins affectifs et sexuels des résidents. Selon le Centre Interprofessionnel de Développement de la Formation Professionnelle (CIDFP), une formation spécifique sur la vie affective et sexuelle des personnes âgées en E.H.P.A.D. permet de comprendre la dimension de la sexualité et de l’affectivité chez les personnes âgées, d’identifier et de gérer les effets du vieillissement sur la vie sexuelle et affective, et de maîtriser les aspects juridiques et éthiques liés à la sexualité en établissement. 


Intégrer les questions de sexualité dans les projets de soins et de vie des E.H.P.A.D.


Les projets de soins des EHPAD doivent intégrer la dimension affective et sexuelle des résidents. Selon le "Référentiel des bonnes pratiques professionnelles relatif à l’accompagnement de la vie affective et sexuelle des usagers", il est recommandé que les projets personnalisés d'accompagnement incluent une évaluation des besoins affectifs et sexuels des résidents, en tenant compte de leur histoire personnelle, de leurs désirs et de leurs attentes.

Cet accompagnement personnalisé repose sur une écoute active et bienveillante, permettant aux résidents d'exprimer librement leurs souhaits et préoccupations concernant leur vie intime. Les professionnels doivent être formés pour aborder ces sujets avec respect et discrétion, garantissant ainsi la confidentialité et le consentement éclairé des résidents. Le référentiel souligne l'importance de reconnaître le droit à une vie affective et sexuelle comme un droit fondamental pour tout être humain, contribuant à leur bien-être et à leur dignité.
En intégrant ces considérations dans les projets de vie et de soins, les EHPAD favorisent une approche holistique de la personne âgée, respectant son autonomie et sa capacité à maintenir une vie intime épanouie. Cela nécessite une collaboration étroite entre les équipes soignantes, les résidents et leurs familles, afin de créer un environnement propice à l'expression et à la satisfaction des besoins affectifs et sexuels des personnes âgées.

Pour résumer, les principaux enjeux liés à la vie intime des Séniors en E.H.P.A.D. peuvent être organisés de la façon suivante :

  • Le respect de l'autonomie et des droits des résidents : garantir le droit à l'intimité et à une vie affective et sexuelle épanouie.
  • La formation du personnel : sensibiliser et former les soignants aux enjeux de la vie intime des séniors.
  • L’aménagement des espaces : créer des environnements favorisant la confidentialité et le respect de l'intimité.
  • Une écoute active : prendre en compte les besoins et désirs individuels des résidents en lien avec leurs familles, si le résident le souhaite.

En mettant en œuvre ces pratiques, les E.H.P.A.D. peuvent offrir un environnement respectueux et épanouissant pour la vie intime de leurs résidents.


4 - Points d'attention : prévention des infections sexuellement transmissibles (IST) chez les Séniors en E.H.P.A.D.


En matière de sexualité, il est primordial d'aborder la prévention des infections sexuellement transmissibles (IST) au sein des E.H.P.A.D..


Des risques d'IST chez les Séniors


Contrairement aux idées reçues, les personnes âgées ne sont pas exemptes des risques liés aux IST. Des études ont montré que, bien que la fréquence des rapports sexuels diminue avec l'âge, une proportion significative de Séniors reste sexuellement active et peut être exposée à des IST. 

Chaque année, 10 à 15 % des nouveaux cas de SIDA concernent des personnes âgées selon Santé Publique France. Cette situation résulte souvent de rencontres avec des partenaires à haut risque, les personnes âgées estimant être suffisamment informées pour ne pas prendre de précautions.


Des mesures de prévention en E.H.P.A.D.


Pour assurer la santé et la sécurité des résidents, les E.H.P.A.D. doivent mettre en place des actions spécifiques :
  • Sensibilisation et formation du personnel : inclure dans les formations faites aux soignants des enseignements sur le droit à la vie sexuelle des personnes âgées et des méthodes de  prévention adaptées aux séniors.
  • L’éducation des résidents : informer les résidents sur les risques d'IST et les moyens de prévention, tout en évaluant leur autonomie et de leur capacité de compréhension.
  • Accès aux moyens de protection : fournir des préservatifs et autres protections, en veillant à leur disponibilité et à leur utilisation appropriée.
  • Confidentialité et respect : assurer une écoute attentive et respectueuse des besoins et désirs des résidents, tout en garantissant leur confidentialité.