Diététique en E.H.P.A.D. : quand l'alimentation devient un pilier du bien-être

Publié le 17/12/2024



L’alimentation en E.H.P.A.D. ne se limite pas à répondre aux besoins nutritionnels des résidents ; elle joue un rôle fondamental dans leur bien-être général. En France, où près de 50 % des résidents en maison de retraite sont touchés par la dénutrition, la diététique devient un enjeu de santé publique majeur. Chaque repas doit ainsi être conçu pour maintenir l’autonomie, prévenir les carences et contribuer au plaisir de vivre, même en situation de dépendance.


Dans cet article, nous regarderons  comment les E.H.P.A.D. mettent en place des stratégies diététiques adaptées, allant des repas personnalisés au  suivi nutritionnel rigoureux. En nous appuyant sur les bonnes pratiques et les innovations du secteur, nous verrons comment l'alimentation peut devenir un levier clé pour préserver la santé physique et mentale des résidents, tout en favorisant des moments de convivialité essentiels à leur épanouissement social.



1. Des enjeux nutritionnels spécifiques


1.1 Une prévalence de la dénutrition

Selon le site Soignantenehpad.fr, la dénutrition est l’un des défis majeurs en E.H.P.A.D., touchant jusqu’à 50 % des résidents. Ce phénomène a  des conséquences graves, comme a perte de masse musculaire, une diminution des défenses immunitaires et une altération globale de la qualité de vie. Plusieurs facteurs en sont responsables : perte d’appétit, troubles de la déglutition, poly-médication ou encore la progression de maladies chroniques. Ces complications réduisent significativement l’autonomie des Séniors.

Nous l’avons donc compris, l’alimentation des séniors doit leur fournir les nutriments qui leur sont essentiels pour préserver leur vitalité ; à ce titre, l’approche “Habiter Manger Bouger et Exister” que nous avons détaillée dans un précédent article, peut être une bonne réponse.

En tout état de cause, l’ensemble des professionnels doit être proactif autour de ces sujets et veiller à ce que  la conception des menus  et des  besoins nutritionnels individuels soient au cœur de leur action. Cela demande à identifier  les résidents qui sont à risque et à mettre en place des solutions adaptées tant dans l’alimentation que dans les soins. 


1.2 Des besoins spécifiques

En raison de la diminution du métabolisme basal, (à savoir des besoins énergétiques incompressibles de l'organisme, ceux dont la personne a besoin pour permettre au corps de survivre),  et des changements physiologiques liés à l’âge, les séniors demandent :

  • apports énergétiques modérés, adaptés à leur niveau d’activité.enrichissement en protéines pour prévenir la fonte musculaire.
  • complément  en vitamines et minéraux, notamment en calcium et vitamine D pour lutter contre l’ostéoporose.
  • hydratation renforcée pour éviter les complications liées à la déshydratation.

Ces ajustements alimentaires sont essentiels pour prévenir les déficits et garantir la meilleure santé.







2. L’impact des menus en E.H.P.A.D.





2.1 La personnalisation des repas

Chaque résident en E.H.P.A.D. possède des besoins différents, fonction de son état de santé, de ses goûts et de ses capacités physiques. 
Comme nous l’avons montré dans notre précédent article sur l'importance de la diététique en EHPAD,  les menus doivent donc être équilibrés et adaptés, notamment pour les résidents souffrant de diabète ou d’ insuffisance rénale. Des repas mixés ou moulinés peuvent aussi être nécessaires pour ceux qui ont  des difficultés à mâcher ou à avaler. Cette personnalisation garantit que chacun puisse bénéficier de l’alimentation qui lui est appropriée.
Outre l’équilibre nutritionnel, il est important  de conserver la dynamique de la “restauration” à savoir de développer encore  le plaisir de manger. Des repas variés,savoureux, colorés, diversifiés, bien dressés, à la carte, stimulent l’appétit et contribuent au bien-être émotionnel des résidents. Sortons de la restauration collective et sublimons chaque repas pour lutter contre la dénutrition.


2.2 Respect des régimes spécifiques

De nombreux résidents en E.H.P.A.D. ont besoin de  régimes alimentaires particuliers, souvent prescrits par des diététiciens ou bien encore par des médecins. Parmi les régimes les plus courants, on trouve :

  • Les régimes sans sel, pour les patients hypertendus.
  • Les régimes enrichis en protéines, pour les résidents souffrant de dénutrition.
  • Les régimes hypoglucidiques, pour lutter contre le diabète.

Si ces prescriptions sont essentielles pour éviter des complications médicales, préservons cependant l’équilibre nutritionnel et n’oublions pas que l’un des derniers plaisirs des personnes âgées reste les repas


3. Comment organiser les repas ?


3.1 Des repas en salle ou en chambre


Selon leur état de santé, les résidents peuvent prendre leurs repas en salle de restaurant ou dans leur chambre. Les repas en salle sont encouragés pour favoriser le lien social, l’intégration et le partage. Cependant, pour les résidents alités ou qui ne peuvent se rendre en salle de restaurant, les repas en chambre sont nécessaires ; l’on doit donc travailler pour garantir confort,dignité et plaisir de se restaurer.

La capacité des EHPAD à servir tant en chambre qu’en salle de restaurant permet de répondre aux besoins de chaque résident et de veiller à maintenir une ambiance aussi conviviale que possible. 


3.2 L’encadrement des repas


Pour certains résidents, manger seul peut être difficile. Le personnel soignant joue alors un rôle clé en offrant un appui adapté à chaque situation  :

  • Adapter les types de couverts pour les résidents ayant des troubles moteurs.
  • Encourager à manger pour les résidents qui souffrent  de perte d’appétit.
  • Assurer un suivi alimentaire discret pour respecter l’autonomie tout en garantissant une prise alimentaire suffisante.
  • Motiver, discuter, échanger avec chaque Sénior.

Toutes ces attentions  contribuent à maintenir une alimentation régulière et satisfaisante.


4. Le suivi diététique et l’évaluation





4.1 Le rôle des diététiciens

Les diététiciens en E.H.P.A.D. travaillent en étroite collaboration avec les équipes soignantes pour évaluer les besoins nutritionnels des résidents. Leur mission est non seulement d'élaborer des plans alimentaires personnalisés, mais aussi de former  les équipes aux pratiques diététiques, et à la mise en place de stratégies pour prévenir la dénutrition.

Les diététiciens sont ainsi garants que les repas répondent aux besoins de chaque résident, en respectant leurs régimes alimentaires  mais aussi que les repas restent un plaisir.


4.2 L’évaluation régulière et prévention


Un suivi nutritionnel régulier est essentiel pour adapter les soins. Les indicateurs clés sont t le poids, l’IMC et la consommation alimentaire. Ces données permettent de détecter rapidement les signes de dénutrition.


IndicateurFréquence d’évaluationObjectif
PoidsMensuelPrévenir la perte de poids
Consommation alimentaireQuotidienneAjuster les apports
IMCTrimestrielMaintenir l’équilibre corporel

Enrichir les repas avec des produits naturels (fromage, crème, œufs) ou recourir aux compléments nutritionnels oraux (CNO) permet de combler les carences tout en maintenant le plaisir alimentaire.







5. Réglementation et bonnes pratiques


5.1 Les normes HACCP


Les cuisines des E.H.P.A.D. doivent respecter les normes HACCP (Hazard Analysis Critical Control Point en anlais) qui garantissent  la sécurité de l’hygiène alimentaire. Ces normes permettent d’identifier, de contrôler les dangers microbiologiques, chimiques et matériels représentant un danger pour la préparation d’aliments sûrs. Ces normes invitent donc à respecter  des processus de préparation, de stockage et de distribution des repas rigoureux afin d’éliminer tout risque de contamination.


5.1.1 Les principes clés des normes HACCP


  • 1 - Analyse des dangers : identification des risques biologiques (bactéries, virus), chimiques (résidus de pesticides, allergènes) et physiques (corps étrangers) pouvant contaminer les repas.
  • 2 - Détermination des points critiques de contrôle (CCP) : mise en place de mesures spécifiques pour contrôler les étapes à haut risque, comme la cuisson, le refroidissement ou le stockage.
  • 3 - Surveillance continue : enregistrement régulier des données (températures, durée de stockage) pour vérifier que les processus respectent les critères de sécurité.
  • 4 - Mise en œuvre d’actions correctives : si un écart est détecté (ex. température inadéquate), des mesures immédiates sont prises pour éviter toute contamination.
  • 5 - Établissement de procédures documentées : archivage des contrôles et des audits pour garantir une traçabilité complète.


5.1.2 L’application en E.H.P.A.D.

Dans les cuisines des E.H.P.A.D., les normes HACCP sont particulièrement respectées  pour protéger une population vulnérable. Les EHPAD veillent ainsi au : 

  • Contrôle rigoureux des fournisseurs : utilisation de produits de qualité et vérification de leur provenance.
  • Stockage sécurisé : maintien des produits frais à des températures appropriées (ex. réfrigérateurs à 4°C maximum pour les denrées périssables).
  • Cuisson et refroidissement conformes : atteindre des températures suffisantes pour détruire les agents pathogènes (ex. 63°C pour les plats chauds).


5.1.3 Les avantages pour les EHPAD

Être soumis  aux normes HACCP permet de :

  • Réduire considérablement les risques d’intoxication alimentaire.
  • Assurer une traçabilité complète en cas de problème.
  • Instaurer une confiance renforcée auprès des résidents et de leurs familles.

En combinant ces pratiques avec des formations régulières du personnel de cuisine, les EHPAD garantissent un service alimentaire à la hauteur des exigences sanitaires les plus élevées. Cela contribue directement à la santé et au bien-être des résidents, tout en renforçant la réputation des établissements.


5.2 Des guides et recommandations

Le Programme National Nutrition Santé (PNNS) émet des recommandations pour améliorer l'alimentation des personnes âgées en E.H.P.A.D. et visent à améliorer leur état de santé et à prévenir la dénutrition. Ces directives encouragent une alimentation équilibrée, variée et adaptée aux besoins des séniors.

Parmi les recommandations du PNNS, on retrouve l'importance de consommer au moins cinq portions de fruits et légumes par jour, qu'ils soient frais, surgelés ou en conserve. Le programme met également l'accent sur la consommation de produits locaux et de saison, ainsi que sur les aliments issus de l'agriculture biologique, afin de promouvoir une alimentation durable et respectueuse de l'environnement. 

Le PNNS recommande une consommation suffisante mais limitée de produits laitiers, avec deux portions par jour et propose  une alternative végétale riche en calcium si possible. 

De plus, il est conseillé de privilégier les produits céréaliers complets à chaque repas et de consommer des légumineuses au moins deux fois par semaine.

En intégrant ces recommandations, les E.H.P.A.D. peuvent offrir aux résidents une alimentation qui réponde à leurs besoins nutritionnels tout en respectant des critères de qualité et de durabilité. Cela contribue à améliorer la santé et le bien-être des personnes âgées en Établissement Hébergeant des Personnes Âgées et Dépendantes .


6. Des innovations et tendances


6.1  Des outils numériques  au service de menus individualisés




Certaines résidences E.H.P.A.D., comme celles intégrées au programme HMBE, dont nous avons parlé dans notre article précédent “Habiter Manger Bouger et Exister”, utilisent des logiciels innovants pour personnaliser les menus des résidents en fonction de leurs besoins et préférences. Ces outils permettent de faire la gestion   des régimes alimentaires, d’adapter les portions en fonction de l’état de santé et de tenir compte des allergies ou intolérances.

Ce programme, ”Manger” aide à suivre les apports caloriques et protéiques en temps réel, offrant une gestion précise et efficace des besoins alimentaires.

L’organisation des repas en est facilitée, les erreurs dans la préparation se voient diminuées et l’autonomie des équipes de cuisine est renforcée. 
Grâce à ces innovations, les établissements peuvent :

  • Ajuster les menus en temps réel en fonction de l’évolution des besoins.
  • Centraliser les données alimentaires et garantir un meilleur suivi. Cuisson et refroidissement conformes : atteindre des températures suffisantes pour détruire les agents pathogènes (ex. 63°C pour les plats chauds).
  • Proposer des repas variés tout en respectant les restrictions médicales.

Ces outils numériques permettent également de produire des rapports détaillés à destination des  familles, renforçant ainsi la qualité de l’information et des services donnés.

6.1.1 Le rôle des familles dans la diététique du module “Manger” du programme Habiter Manger Bouger Exister


Impliquer les familles à la vie de la résidence et donc à celle de leur parent est au coeur de chaque EHPAD En organisant des journées conviviales autour de repas partagés, comme les fêtes de Noël ou les anniversaires, les établissements créent des moments d’échange précieux. Ces repas renforcent les liens affectifs et valorisent les résidents.

  • Le programme Habiter Manger Bouger et Exister met en avant des ateliers éducatifs destinés aux proches, leur permettant de mieux comprendre les besoins nutritionnels des parents qu’ils nous confient. Ainsi les résidences participant au programme “Manger” offrent : Des dégustations partagées impliquant  les familles dans le choix des repas.
  • Des échanges  avec les diététiciens pour aligner les recommandations alimentaires avec les attentes des familles.
  • Une communication claire et fréquente, notamment via des fiches trimestrielles, qui viennent informer les familles des progrès des résidents.

Le programme Habiter Manger Bouger et Exister met en avant des ateliers éducatifs destinés aux proches, leur permettant de mieux comprendre les besoins nutritionnels des parents qu’ils nous confient. Ainsi les résidences participant au programme “Manger” offrent : Des dégustations partagées impliquant  les familles dans le choix des repas.

Des échanges  avec les diététiciens pour aligner les recommandations alimentaires avec les attentes des familles.
Une communication claire et fréquente, notamment via des fiches trimestrielles, qui viennent informer les familles des progrès des résidents.

D’autres établissements se distinguent par l’utilisation d’autres logiciels spécialisés pour personnaliser les menus en fonction des besoins et des préférences de chaque résident. Ces outils permettent une gestion précise des régimes alimentaires, des allergies et des restrictions spécifiques, tout en facilitant la planification et la mise à jour des menus. Par exemple, le logiciel Menutech offre plus de 30 styles de menus personnalisables et des fonctionnalités d'automatisation, garantissant que les menus sont toujours à jour et adaptés aux préférences linguistiques et alimentaires des résidents.


L'utilisation de tels outils présente plusieurs avantages :

  • Gain de temps : la création et la mise à jour des menus sont simplifiées, permettant au personnel de se concentrer sur d'autres tâches, aussi essentielles. Des échanges  avec les diététiciens pour aligner les recommandations alimentaires avec les attentes des familles.
  • Réduction des erreurs : une gestion automatisée minimise les risques d'erreurs liées aux régimes spécifiques ou aux allergies.
  • Amélioration de la satisfaction des résidents : des menus adaptés aux goûts et besoins individuels contribuent à une meilleure expérience culinaire



6.2 La sensibilisation des familles


Impliquer les familles à la vie quotidienne des résidents est une pratique de plus en plus courante en E.H.P.A.D.. Cette approche vise à renforcer les liens à améliorer le bien-être des résidents, mais aussi la communication de l’EHPAD. Ainsi, des initiatives telles que l'organisation de repas partagés lors d'occasions spéciales ou la participation à des activités communes  favorisent les échanges  ; les familles s’impliquent davantage, sont constructives au sein des comités des familles, qui leur permet de proposer des axes d'animations et de soins.

Les bénéfices de cette démarche sont multiples :

  • Renforcement du lien social : les résidents se sentent soutenus et moins isolés.
  • Amélioration de la communication : un dialogue constructif entre les familles et le personnel soignant permet une meilleure compréhension des besoins des résidents.
  • Participation active : les familles contribuent à l'élaboration et à la mise en œuvre des projets de vie individualisés.


En intégrant ces innovations, les E.H.P.A.D. s'adaptent aux besoins évolutifs des résidents et de leurs familles, tout en améliorant la qualité des services proposés.