Publié le 21/10/2024
Les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (E.H.P.A.D.) sont des environnements où la qualité de vie des résidents dépend en grande partie de la qualité des soins fournis. Parmi les nombreux professionnels de santé qui y travaillent, les kinésithérapeutes jouent un rôle important dans la rééducation et le maintien des capacités physiques et fonctionnelles des résidents. Leur intervention est essentielle pour prévenir la perte d'autonomie et améliorer le bien-être général des résidents.
Le rôle des kinésithérapeutes en E.H.P.A.D.
L’évaluation initiale des capacités des résidents
Les kinésithérapeutes en E.H.P.A.D. débutent généralement leur soin par une évaluation initiale des capacités motrices et fonctionnelles des résidents. Cette évaluation est réalisée sur la base d'une prescription médicale et mesure notamment l’équilibre, la force musculaire et l’amplitude articulaire.
Ce bilan permet de déterminer les besoins spécifiques de chaque résident et de concevoir un plan de traitement personnalisé, adapté aux pathologies et aux objectifs de rééducation.
Collaboration avec une équipe pluridisciplinaire
En E.H.P.A.D, le travail des kinésithérapeutes s'inscrit dans une dynamique pluridisciplinaire au sein d'une structure médicalisée. Ils collaborent étroitement avec des médecins, des infirmiers, des aides-soignants et des ergothérapeutes pour assurer une prise en charge globale et cohérente des résidents.
Par exemple, un kinésithérapeute peut travailler avec un ergothérapeute pour adapter l’environnement du résident (comme l’ajustement d’une chaise roulante ou d’un lit médicalisé) et optimiser ainsi les conditions de rééducation.
Les techniques de rééducation utilisées en E.H.P.A.D.
Renforcement musculaire et travail sur l’équilibre
Les exercices de renforcement musculaire sont essentiels pour maintenir la masse musculaire des résidents et leur équilibre en particulier pour les personnes âgées qui ont des risques de chutes majeurs. Ces soins les aident également à améliorer leur endurance et leur capacité à effectuer les gestes de la vie quotidienne. Les exercices incluent des mouvements simples, comme se lever d'une chaise sans aide, marcher en ligne droite, ou se tenir debout sur un pied.
La mobilisation passive et la rééducation respiratoire
Pour les résidents les plus dépendants, la mobilisation passive est une technique précieuse. Elle aide à prévenir la raideur articulaire et les contractures en permettant au kinésithérapeute de déplacer doucement les membres du résident. Cette méthode favorise également la circulation sanguine, prévenant ainsi des complications comme les escarres. La rééducation respiratoire est une technique tout aussi importante, notamment pour les résidents atteints de maladies respiratoires chroniques : des exercices de respiration et des techniques de drainage bronchique améliorent ainsi l'oxygénation du sang.
La thérapie par la marche et la stimulation cognitive
La marche est une thérapie intéressante pour les résidents qui ont perdu partiellement ou totalement leur capacité à se déplacer. Les kinésithérapeutes utilisent alors des aides techniques, comme des barres parallèles ou des déambulateurs, pour aider les résidents à retrouver une démarche stable. Les kinésithérapeutes participent aussi à des programmes de stimulation cognitive, souvent en collaboration avec des psychomotriciens, pour prévenir ou ralentir les troubles cognitifs tels que la démence.
Impact des soins kinésithérapiques sur les résidents
Amélioration de la qualité de vie
Les soins kinésithérapiques en E.H.P.A.D. apportent des bénéfices multiples. Ils contribuent non seulement à maintenir la mobilité, mais aussi à réduire la douleur et à prévenir les complications liées à l'immobilité, telles que les escarres ou les thromboses. Par ailleurs, ces soins sont essentiels dans le maintien de l’autonomie des résidents, leur permettant ainsi de rester actifs et de participer aux activités de la vie de tous les jours.
Prévention des hospitalisations
En favorisant une activité physique régulière, les soins kinésithérapiques aident également à prévenir les hospitalisations, souvent associées à un déclin fonctionnel chez les personnes âgées. Les résidents sont ainsi mieux préparés à affronter les défis de la vieillesse, et leur espérance de vie en bonne santé peut être prolongée.
Le kinésithérapeute comme acteur clé de la prévention de la perte d’autonomie
Programmes de prévention adaptés
Les kinésithérapeutes jouent un rôle central dans la prévention de la perte d'autonomie des résidents en E.H.P.A.D. Ils élaborent des programmes de prévention adaptés pour chacun d’entre eux , avec des exercices réguliers de renforcement musculaire, de flexibilité et d'équilibre. Ces programmes passent également par des activités de stimulation cognitive et sensorielle, visant à maintenir les capacités mentales des résidents.
Sensibilisation aux bonnes pratiques
Les kinésithérapeutes sensibilisent les résidents et le personnel soignant aux bonnes pratiques pour prévenir les chutes et autres accidents domestiques”. Ils peuvent recommander l'installation de barres d’appui, l’utilisation de chaussures adaptées, ou l’aménagement de l’espace de vie pour minimiser les risques. Cette approche préventive est essentielle pour maintenir la sécurité et le bien-être des résidents.
Les défis rencontrés par les kinésithérapeutes en E.H.P.A.D.
Pénurie de professionnels
L’un des principaux défis rencontrés par les kinésithérapeutes en E.H.P.A.D. est le manque de professionnels dans ce secteur. Le nombre de kinésithérapeutes disponible est souvent insuffisant pour répondre aux besoins croissants des résidents ce qui peut entraîner une charge de travail élevée et avoir malheureusement un impact négatif sur la qualité des soins.
Coordination des soins
La coordination des soins au sein de l'équipe pluridisciplinaire est un autre défi. La collaboration entre les différents professionnels de santé est essentielle, mais elle peut être difficile à organiser en raison de la multiplicité des intervenants (salariés de la résidence ou libéraux qui en sont extérieurs) et de leur contraintes de temps. Les kinésithérapeutes doivent ainsi faire face, non seulement à leurs obligations libérales, mais aussi de soins auprès des résidents dont ils ont la charge et encore de participation aux réunions d’équipe dont ils n’ont pas la maîtrise.
Conditions matérielles
Les conditions matérielles dans certains E.H.P.A.D. peuvent également limiter l’efficacité des soins kinésithérapiques. L’absence de salles de rééducation adaptées ou le manque d’équipements spécialisés pose des défis aux kinésithérapeutes, qui doivent faire preuve de créativité pour adapter les exercices aux ressources disponibles tout en garantissant la sécurité des résidents.
Perspectives d’amélioration des soins kinésithérapiques en E.H.P.A.D.
Comment augmenter le nombre de kinésithérapeutes ?
Pour répondre aux besoins croissants des résidents en EHPAD, il est essentiel d'augmenter le nombre de kinésithérapeutes intervenant dans ces établissements. La profession souffre actuellement d'un manque d'attractivité, aggravé par la pénurie générale de professionnels de santé. En 2020, on comptait environ 93 000 kinésithérapeutes en France, mais selon l’Ordre des Masseurs-Kinésithérapeutes, ce nombre est insuffisant face à la demande grandissante, notamment dans des secteurs comme les EHPAD.
Par ailleurs, une baisse des vocations est observée. Les étudiants en kinésithérapie sont de plus en plus attirés par des pratiques libérales mieux rémunérées et plus flexibles que les postes en EHPAD, souvent perçus comme contraignants. Entre 2010 et 2020, on observe une baisse de 15 % des inscriptions aux écoles de kinésithérapie pour les formations longues, selon l’Ordre des Masseurs-Kinésithérapeutes.
En outre, une fuite des kinésithérapeutes vers l’étranger aggrave la situation. La France fait face à une migration de ses kinés diplômés vers des pays comme la Suisse ou le Luxembourg, où les conditions de travail et les salaires sont plus attractifs. En 2020, selon la la DREES (Direction de la Recherche, des Études, de l'Évaluation et des Statistiques), on estimait que près de 10 % des diplômés en kinésithérapie partaient exercer à l'étranger, créant ainsi un vide dans le système de soins français, particulièrement en E.H.P.A.D..
Malgré les défis actuels, des initiatives sont déjà mises en place pour renforcer l’attractivité de la profession. Le gouvernement, en collaboration avec des organismes comme l’Ordre des Masseurs-Kinésithérapeutes et les établissements de santé, travaille à valoriser la pratique en EHPAD. Des programmes de financement pour moderniser les équipements de rééducation, ainsi que des incitations financières pour les professionnels qui choisissent d’exercer dans ces structures sont mis en place à travers le Ségur de la Santé. Ce plan, lancé en 2021, prévoit un investissement de 19 milliards d'euros dans le système de santé pour améliorer la prise en charge des patients et le quotidien des soignants.
Le développement de programmes innovants
Selon le site pour-les-personnes-agees.gouv.fr, les nouvelles technologies apportent des perspectives inédites . Il serait ainsi intéressant de développer des programmes de rééducation innovants tels que :
- La réalité virtuelle : utilisée pour que les résidents, dans un environnement virtuel, simulé, sécurisé et contrôlé réalisent des mouvements et participent à des activités variées, la réalité virtuelle peut aussi rendre les exercices plus ludiques et motivants, maintenant ainsi l'engagement des résidents dans leur programme de rééducation.
- Les robots d'assistance : Les robots d’assistance comme l’exosquelette EksoGT sont utilisés dans les centres de rééducation pour aider les résidents à retrouver leur mobilité. Ils facilitent la marche mais aussi d’autres mouvements essentiels tout en ajustant leur puissance aux capacités du patient. Cette technologie permet une répétition intensive des gestes, favorisant ainsi une récupération plus rapide et efficace. D’après leur site internet (https://eksobionics.com/eksohealth/), plus de 240 centres à travers le monde utilisent ce dispositif qui a permis à des patients de faire plus de 100 millions de pas.
- Capteurs et dispositifs de suivi : ils permettent de mesurer en temps réel les performances physiques des résidents, comme la force musculaire ou bien l’équilibre. Ces données peuvent ensuite être utilisées pour ajuster le programme de rééducation en fonction des besoins particuliers de chaque résident. Il existe actuellement deux options intéressantes sur le marché pour les dispositifs de suivi en rééducation :
- K-Force de Kinvent propose ainsi des capteurs connectés qui mesurent la force musculaire, l'équilibre et l'amplitude des mouvements en temps réel, grâce à une application dédiée, permettant un ajustement précis des programmes de rééducation.
- BlazePod se concentre sur l'amélioration de la réactivité, de la coordination et de la force via des capteurs de mouvement et des lumières LED.
Ces deux technologies offrent des solutions efficaces pour suivre les performances des résidents et personnaliser leur rééducation.
L’amélioration des infrastructures
Enfin, adapter les infrastructures des E.H.P.A.D. est essentielle pour améliorer la pratique de la kinésithérapie. Cela passe par l’aménagement de salles de rééducation équipées de matériel moderne, ainsi que la conception d’espaces de vie ergonomiques qui encouragent le mouvement et l’activité physique.